Certification obligatoire : Un lobby a-t-il dicté la réforme ?

Sur la base des registres HATVP, du courrier adressé à Mme Sophie-Laurence Roy et des débats budgétaires, nous documentons les éléments montrant comment la suppression de l’auto-attestation a été portée par des intérêts privés, adoptée par le Parlement malgré les réserves du Gouvernement, et quelles conséquences elle produit pour les TPE.

Note : Cet article est évolutif. Il sera complété et ajusté grâce aux contributions et informations qui y seront apportées.

Date de 1ère publication : 01/09/2025

Cette enquête vise à retracer l’histoire, les acteurs et les mécanismes qui ont conduit à la mise en place de cette obligation, en révélant les zones d’ombre que les discours officiels passent sous silence.

  1. Les origines de la certification

Créée en 2000, InfoCert France est une société privée spécialisée dans la certification, notamment des logiciels de caisse via la norme NF525, un label qui, au fil des années, est passé du statut d’outil technique à celui d’élément structurant pour tout un secteur.
Depuis le 29 juin 2023, son directeur général est François Warcollier. Elle est présidée par la holding Certigroup, qui contrôle également d’autres acteurs de la conformité.

À noter : La société InfoCert France citée dans cet article n’a aucun lien avec la société italienne InfoCert, filiale du groupe Tinexta S.p.A., bien que toutes deux évoluent dans le domaine du Digital Trust. En France, la filiale du groupe Tinexta opère sous le nom de CertEurope.

L’ACEDISE : syndicat professionnel… ou groupe d’influence ?
En 2012 naît l’association ACEDISE, elle se présente comme un syndicat professionnel défendant les intérêts des acteurs de l’encaissement et du paiement [1].
Selon sa liste publique de membres (consultée le 15/06/2025), l’ACEDISE regroupe une poignée d’éditeurs de logiciels de caisse, majoritairement des acteurs déjà bien installés, ainsi que quelques petits éditeurs déjà certifiés NF525 [1]. Au regard de cette composition et de ses prises de position en faveur de la certification obligatoire [2], l’ACEDISE semble surtout protéger les intérêts de ses membres les mieux installés, qui bénéficient directement de l’extension de cette obligation [3].
Son président, Christian Coquidé (Atoo), défend publiquement la généralisation de la certification des logiciels de caisse [2]. Philippe Gervais, 1ᵉʳ vice-président d’ACEDISE et dirigeant de CashMag (membre fondateur déclaré), a comparu en mars 2021 dans le dossier « OMC Gervais » portant sur des “caisses permissives” soupçonnées de permettre la minoration de recettes et des fraudes à la TVA. Selon Var-Matin, le jugement du 25/03/2021 a prononcé des relaxes partielles, retenu le blanchiment de fraude fiscale (et l’abus de biens sociaux pour trois prévenus), environ 300 000 € d’amendes au total, et écarté l’interdiction de gérer [4]. En 2012, Le Parisien mentionnait le gérant d’OMC Gervais « mis en examen et écroué » dans l’enquête dite des « caisses miraculeuses » [5]. (Dossier visant OMC Gervais, non CashMag ; présomption d’innocence.)
(Cette procédure concernait OMC Gervais.) Indépendamment de cela, CashMag indique détenir une certification NF525 délivrée par un organisme accrédité [6].

Enjeux de gouvernance : pour un syndicat qui dit représenter l’ensemble de la profession, la composition de ses membres et les fonctions de ses dirigeants soulèvent des questions légitimes quant à son indépendance et à la prévention des conflits d’intérêts. Au minimum, l’ACEDISE aurait intérêt à publier une charte d’éthique, les déclarations d’intérêts de ses dirigeants et les procédures de prévention des conflits, afin de lever tout doute.

En octobre 2013, InfoCert France, aux côtés de plusieurs membres de l’ACEDISE, met en place un groupe de travail baptisé GT525, qui se réunit jusqu’en avril 2014, ainsi que quelques autres représentants (la liste complète des participants n’a pas été publiée). Ce cercle très restreint, piloté par l’organisme appelé à délivrer la certification NF525 et incluant l’association qui en défend la généralisation, marque le point de départ d’une certification, pensée dès le départ pour devenir obligatoire.

Le 3 août 2016, la DGFiP publie au Bulletin officiel des impôts (BOI-TVA-DECLA-30-10-30) les modalités issues de l’article 88 de la loi de finances 2016.
Le texte impose aux assujettis à la TVA d’utiliser un logiciel ou système de caisse répondant à des critères stricts de sécurisation et d’inaltérabilité, tout en laissant à l’éditeur la possibilité de fournir une auto-attestation pour certifier la conformité. L’application entre en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2018.

La mise en conformité imposée par l’article 88 de la loi de finances 2016 représentait déjà un effort considérable : mise en place de mécanismes garantissant l’inaltérabilité des données, sécurisation des enregistrements, conservation et archivage fiscal, traçabilité des opérations, etc. Cet ensemble de contraintes, intégralement appliqué par la profession dès 2018, répondait pleinement aux exigences légales.
Rien ne laissait présager que, quelques années plus tard, celle-ci serait durcie pour imposer un dispositif coûteux et encore plus contraignant.

À noter : Dès cette époque (2017-2018), InfoCert multipliait les interventions dans les médias, la presse et auprès de la profession. De nombreux communiqués de presse mentionnaient la certification NF525 comme obligatoire. Un abus de langage s’est même installé dans la profession, laissant croire que la norme NF525 constituait la référence légale imposée par l’État. Pendant plusieurs années, nous avons dû expliquer à nos clients que la NF525 n’était pas une obligation légale, mais bien une certification délivrée et commercialisée par une société privée.

  1. Le tournant législatif (De l’auto-attestation à l’obligation coûteuse)

Une offensive préparée de longue date.

En décembre 2023, la députée socialiste Christine Pirès Beaune adresse une question écrite au gouvernement, dénonçant les « failles » de l’auto-attestation prévue par l’article 88 de la loi de finances 2016. Elle y plaide pour un renforcement du dispositif, allant jusqu’à suggérer que seule une certification par un organisme accrédité permettrait de garantir la conformité des logiciels de caisse.

Dans le cadre du projet de loi de finances 2025, l’amendement n° I-1548 est déposé par le groupe Socialistes et apparentés, défendu à la tribune par Christine Pirès Beaune, et adopté par l’Assemblée nationale le 26 octobre 2024, par 157 voix pour, 2 contre. Il supprime la possibilité d’auto-attestation des éditeurs au profit d’une exigence de certification obligatoire par un organisme agréé.

Un marché captif.

Cette décision législative consacre un marché captif : seuls deux organismes agréés peuvent désormais délivrer la certification, dont InfoCert France (nous ne citerons pas ici le second organisme, qui n’a pas joué de rôle dans la mise en place de cette obligation).
L’association ACEDISE, très active à promouvoir cette réforme, compte parmi ses membres et dirigeants des acteurs directement intéressés par ce marché, ce qui soulève des interrogations sur la frontière entre défense d’intérêts privés et élaboration de la loi.

Quel est le coût et l’impact d’une certification des logiciels de caisse ?
Les devis oscillent généralement entre 10 000 et 20 000 € pour une certification initiale, auxquels s’ajoutent 5 000 à 7 000 € de frais de renouvellement annuels. Mais au-delà du coût, les contraintes imposées par la certification sont considérables : procédures complexes, audits répétés, obligations documentaires exhaustives et référentiels techniques de 60 à 80 pages à respecter scrupuleusement. Ces démarches peuvent s’étaler sur plusieurs mois, immobilisant des ressources humaines et financières importantes.
Pour de nombreuses TPE, un tel dispositif représente non seulement une dépense insoutenable, mais aussi un obstacle administratif quasi infranchissable.

À cela s’ajoutent des exigences qui dépassent largement le cadre fixé par la loi fiscale. Alors que le BOFiP se limite à exiger l’inaltérabilité, la sécurisation, la conservation et l’archivage des données, la norme NF525 impose notamment la mise en place d’un système qualité, l’obligation d’utilisation d’un certificat électronique, des procédures documentaires lourdes. Autant d’obligations sans fondement légal direct, mais qui génèrent des frais supplémentaires et complexifient l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché.

Imposer cette certification revient à organiser, de fait, l’éviction d’une majorité des TPE du marché, au profit d’un cercle restreint d’acteurs déjà installés. Qui ira créer une entreprise dans ces conditions ? C’est une mesure à effet anticoncurrentiel, qui crée un marché captif et consolide les positions des plus gros.

Une rente financière.

Pour Infocert, le système est extrêmement rentable : Sur l’exercice 2024, l’entreprise a dégagé 1,4 million d’euros de résultat d’exploitation pour seulement 3,8 millions d’euros de chiffre d’affaires. Une marge exceptionnelle, largement nourrie par le système de renouvellement annuel obligatoire. Une véritable rente financière, qui ne pourra que croître avec la généralisation de l’obligation.

  1. Décryptage de l’intervention de la députée Christine Pirès Beaune

Suite au vote de l’Assemblée par 157 voix pour, 2 contre, nous avions voulu savoir quels arguments avaient convaincu les députés d’adopter cet amendement. Nous avions alors retrouvé la transcription écrite de son discours sur le site de l’Assemblée nationale et analysé son intervention. Le constat est accablant.

Dans son discours, la députée cite deux affaires de fraude, toutes deux antérieures à 2018, donc sans rapport direct avec la situation actuelle. A l’époque la réforme n’était pas entrée en vigueur, le concept même d’auto-attestation n’existait pas. Elle évoque ensuite la fraude totale à la TVA… en laissant entendre qu’elle serait largement imputable aux logiciels de caisse, sans aucun chiffre à l’appui, alors qu’aucune donnée publique ne vient l’étayer. Enfin, elle avance un exemple discutable : un logiciel auto-attesté présenté comme plus cher qu’un logiciel certifié, ici aussi aucun nom n’est cité, aucune donnée vérifiable n’est fournie ; une affirmation lancée sans preuve, qui revient à suggérer, sans fondement, que les logiciels auto-attestés seraient plus onéreux que les logiciels certifiés, ce que nous savons inexact.

Pour consulter notre analyse complète de cette intervention : Voir Acte 1

Ces approximations interrogent : cette réforme est-elle réellement issue d’un débat parlementaire éclairé, ou s’appuie-t-elle sur un argumentaire façonné par des acteurs directement intéressés par la mise en place de cette obligation ?

Par ailleurs, hasard du calendrier, quelques jours plus tard, le 3 juin 2025, le gouvernement répond à une question écrite de M. Charles de Courson sur la fraude aux logiciels de caisse (Question n° 3394). La réponse est sans appel : sur 4 000 contrôles effectués en trois ans, une seule sanction a été prononcée pour logiciel frauduleux, soit un taux de 0,024 %. Difficile, dans ces conditions, de parler d’une fraude massive. Le gouvernement précise en outre que, “si la certification constitue indéniablement un barrage efficace contre la fraude avec son référentiel, ses contraintes de signature, ses obligations d’archives fiscales, ses audits de conformité, il n’en reste pas moins vrai que la certification ne constitue pas une garantie absolue contre la fraude”. (effectivement, et ce sera notre prochain sujet. Acte 3).

Évolution de position
Il est à noter que, le 10 juin 2025, Mme Christine Pirès Beaune a adressé un courrier au gouvernement demandant le report de l’entrée en vigueur de la réforme.
Elle y dénonce notamment « un coût d’audit significatif » et « une situation oligopolistique » sur le marché de la certification.
Cette prise de position tardive, bien que salutaire, ne change rien au fait que l’amendement qu’elle a défendu quelques mois plus tôt a contribué à créer précisément ce contexte qu’elle critique aujourd’hui.

  1. Quand le lobbying souffle ses arguments au Parlement

Le 25 juin 2025, Mme Sophie-Laurence Roy interpelle le gouvernement sur les conséquences délétères de la réforme. Elle reconnaît qu’« une erreur collective » a été commise, dénonçant la précipitation avec laquelle le projet de loi de finances a été voté, la suppression de l’auto-attestation passée inaperçue et l’absence totale de débat parlementaire sur une mesure glissée en douce dans le PLF 2025.
Moins d’une heure plus tard, elle reçoit un courrier émanant du cabinet de lobbying Euros/Agency Group, mandaté par la société InfoCert. Fait notable : deux anciens députés socialistes figurent dans l’organigramme de ce cabinet, illustrant les passerelles possibles entre fonctions publiques et intérêts privés.

Ce document, dépourvu d’en-tête et de signature, reprend quasiment mot pour mot les arguments utilisés lors de la défense de l’amendement de Mme Christine Pirès Beaune : même exemple obsolète de fraude datant d’avant 2018, mêmes chiffres globaux de fraude à la TVA sans lien spécifique avec les logiciels de caisse, et une comparaison biaisée de tarifs, laissant entendre qu’un logiciel auto-attesté serait plus cher qu’un logiciel certifié, sans base objective ni vérification indépendante.

Le lobbying au cœur de la réforme

Nos vérifications auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) sont sans appel.

  • InfoCert a déclaré plusieurs actions de représentation d’intérêts visant explicitement la suppression de l’auto-attestation prévue par l’article 88 de la loi de finances 2016. À noter que ces actions déclarées coïncident avec la prise de fonction de François Warcollier à la direction générale en juin 2023.
    • En 2023 : objectif « Plaider pour la fin de l’auto-attestation des logiciels de caisse afin de lutter contre la fraude à la TVA » — dépenses déclarées : moins de 10 000 €.
    • En 2024 : objectif « PLF 2025 : obtenir la fin de l’auto-attestation des logiciels de caisse afin de lutter contre la fraude à la TVA » — dépenses déclarées : entre 25 000 € et 50 000 €.
  • Le cabinet de lobbying Euros/Agency Group a, de son côté, déclaré avoir été mandaté par InfoCert pour intervenir sur ce même objectif, dans le cadre du Projet de loi de finances 2025.

Ces éléments ne sont pas une interprétation : ils figurent noir sur blanc dans les registres publics de la HATVP. Ils établissent un lien direct entre un acteur privé, un cabinet de lobbying et une réforme législative désormais présentée comme une mesure fiscale.

La comparaison entre l’argumentaire préparé pour InfoCert et celui présenté par Mme Pirès Beaune à l’Assemblée nationale est saisissante : exemples, chiffres et formulations sont quasi identiques.
Bien qu’aucune trace publique ne nous permette d’attester d’une rencontre formelle, la concordance troublante des éléments laisse planer un doute légitime sur l’origine réelle de cette réforme et sur le rôle qu’y a joué un acteur privé directement intéressé par son adoption.

Hypothèse : D’après notre connaissance du dossier, nous pensons que Mme Pirès Beaune a pu recevoir un courrier du cabinet de lobbying Euros/Agency, dépourvu d’en-tête et de signature, éventuellement suivi d’un échange téléphonique avec InfoCert. Ce mode de communication, qui limite la traçabilité écrite, correspond aux méthodes que nous avons pu observer dans d’autres démarches d’InfoCert. Cette hypothèse, qui ne repose pour l’heure que sur des recoupements d’éléments indirects, mériterait d’être confirmée ou infirmée par les intéressés.

Ces éléments démontrent qu’InfoCert a mené des actions d’influence, à la fois directement et via le cabinet de lobbying Euros/Agency Group.
La convergence des déclarations officielles et des discours parlementaires laisse penser que des arguments préparés par un acteur privé poursuivant un objectif commercial ont trouvé leur chemin jusqu’à l’Assemblée nationale.

  1. Qu’en est-il de nos voisins européens ?

Dans la plupart des pays européens, la sécurisation des systèmes d’encaissement existe, mais elle repose sur des mécanismes pilotés par l’administration fiscale, homologation d’appareils, modules cryptographiques publics ou télétransmission, sans imposer un label logiciel privé et généralisé aux éditeurs. En Allemagne, depuis le 1er janvier 2020, chaque caisse électronique doit être équipée d’une « TSE » certifiée selon la KassenSichV et la règle technique du BSI TR-03153 ; la conformité passe par ce module de sécurité, pas par une certification logicielle privée obligatoire.
En Belgique, l’obligation de « caisse enregistreuse certifiée » ne vise que certains secteurs (notamment l’horeca) et repose sur un module de données fiscales (FDM) couplé à une carte VSC, agréés par le SPF Finances.
En Italie, les « registratori telematici » mémorisent et transmettent quotidiennement les recettes (« corrispettivi ») à l’Agenzia delle Entrate ; les appareils sont approuvés par l’administration et il n’existe pas de certification logicielle privée obligatoire.
En Espagne, le Real Decreto 1007/2023 a créé le cadre SIF avec la modalité « Veri*Factu » : exigences d’intégrité et option de transmission à l’AEAT, là encore sans déléguer la conformité à un label privé généralisé.

À notre connaissance, la France fait figure d’exception : c’est le seul pays à avoir confié entièrement la certification à un marché fermé, la rendant obligatoire pour tous les éditeurs, avec un coût élevé répercuté sur l’ensemble du secteur. Un modèle qui frappe de plein fouet les petites structures et verrouille l’entrée de nouveaux acteurs.
Et c’est précisément dans ce système que prospère InfoCert France, dont la rente annuelle est désormais garantie par la loi. Une singularité française qui, loin de renforcer la lutte contre la fraude, entérine surtout un verrouillage commercial au profit de quelques-uns.

  1. Conclusion

À ce jour, malgré plusieurs échanges par e-mail avec Mme Christine Pirès Beaune, nos questions précises, portant sur l’éventuelle réception d’un courrier d’un cabinet de lobbying et/ou l’existence d’un échange téléphonique avec InfoCert, sont restées sans réponse.

Aujourd’hui, rien ne permet de démontrer l’existence de la prétendue fraude massive liée aux logiciels de caisse. Cet argument semble avoir été largement construit pour justifier la commercialisation d’une certification coûteuse.

De même, l’idée selon laquelle cette obligation résulterait d’une volonté gouvernementale ne résiste pas à l’examen. Les comptes rendus et synthèses des débats budgétaires indiquent que le Gouvernement était défavorable à la suppression de l’auto-attestation, adoptée par le Parlement.
Cela confirme que cette mesure est d’origine parlementaire, et que sa présentation comme une exigence fiscale d’État relève davantage d’un élément de langage commercial, susceptible d’induire en erreur élus et institutions.

Nous relevons également des pratiques troublantes : le document adressé à Mme Roy par le cabinet Euros/Agency ne comportait ni en-tête ni signature. Ce choix, qui rend sa traçabilité quasi impossible, montre à quel point les acteurs concernés semblent conscients du caractère politiquement sensible, voire discutable, de leur démarche. De même, concernant InfoCert, à ce jour, nous n’avons pas identifié de document écrit public relatant la fraude massive, la volonté du gouvernement de mettre en place cette certification obligatoire… Selon nos observations et témoignages recueillis, nombre d’échanges se feraient par téléphone, ce qui ne laisse pas de trace écrite exploitable. Nous disposons également d’un courriel daté du 28/04/2025, signé par Christian Coquidé (« président de l’ACEDISE » et éditeur du logiciel LEO2), proposant à une TPE de revendre un autre logiciel de caisse et d’interfacer son logiciel de gestion avec ce nouveau logiciel, et indiquant par ailleurs être éditeur d’un logiciel certifié. (Courriel en notre possession.)

Les éléments ayant nourri cet amendement coïncident étroitement avec les intérêts d’un acteur privé, InfoCert, relayés par son cabinet de lobbying, et soutenus par l’ACEDISE (voir billet du 28/02/2025), dont plusieurs dirigeants et membres bénéficient directement de la généralisation de la certification [2][1][6]. Qu’ils aient été transmis directement ou non, cette proximité donne le sentiment que le travail parlementaire a pu être influencé au service d’un objectif commercial.
C’est précisément ce mélange des genres, influence privée, absence de débat démocratique et conséquences directes pour des centaines de TPE, que nous dénonçons.

La fin de l’auto-attestation, présentée comme une mesure de lutte contre la fraude, apparaît comme l’aboutissement d’un lobbying structuré qui a permis à un acteur privé de créer un marché captif. Un petit nombre d’organismes agréés devient un passage obligé, dans un dispositif désormais présenté comme fiscal.

Nous regrettons qu’à ce stade, malgré les interpellations répétées de nombreux députés depuis l’examen du PLF 2025 sur les difficultés soulevées par la réforme, le Gouvernement se soit limité à décaler l’échéance au 1er septembre 2025 et à instaurer une période transitoire jusqu’au 28 février 2026, sans ouvrir de véritable consultation du secteur ; l’obligation deviendra pleine au 1er mars 2026..

Issue de l’amendement I-1548, porté par le groupe Socialistes et apparentés et défendu par Mme Christine Pirès Beaune, la suppression de l’auto-attestation conduit de facto à la disparition de nombreuses TPE de notre secteur. D’après nos échanges, beaucoup n’ont tout simplement pas la trésorerie pour absorber le coût d’entrée et les redevances annuelles : cela se traduit par des cessations d’activité ou des liquidations, y compris pour des entreprises existant depuis plus de 30 ans.. Les clients se retrouvent sans maintenance ni mises à jour et doivent migrer, souvent à leurs frais, vers les offres des acteurs dominants. Le résultat, c’est une concentration accélérée du marché et l’appauvrissement de l’écosystème.

Le lobbying, lorsqu’il se substitue au débat démocratique, devient un danger pour l’intérêt général. Il est temps d’y mettre un terme.

Nous appelons les parlementaires à déposer, dans le cadre du prochain budget, un amendement rétablissant l’auto-attestation sous contrôle a posteriori effectif (contrôles ciblés, sanctions graduées), ou instituant une certification publique simplifiée et à coût plafonné, ouverte et non discriminante, dont le référentiel se limite aux quatre exigences légales (inaltérabilité, sécurisation, conservation, archivage) sans exigences privées additionnelles. Nous demandons en parallèle une concertation formelle incluant les TPE, une étude d’impact PME, et des garanties de transparence (déclarations d’intérêts, traçabilité des contributions). À défaut, un moratoire des sanctions et une période de régularisation accompagnée doivent être mis en place.

FIN

  1. À suivre… Prochainement… Acte 3

Le gouvernement lui-même a reconnu qu’en 2020, une fraude avait été constatée…sur un logiciel pourtant certifié.

Dans le document transmis à Mme Roy (le document sans en-tête ni signature) Euros Agency Group affirme “Non, les entreprises ne peuvent pas frauder sur les caisses équipées d’un logiciel certifié. La certification par un tiers constitue une garantie contre la permissivité des logiciels.

Nous avons alors décidé de prendre cette affirmation au mot et de vérifier si la certification NF525 tenait réellement ses promesses d’inaltérabilité 🙂
Nous avons sollicité un groupe indépendant de spécialistes en sécurité informatique pour analyser plusieurs logiciels certifiés.

Leur conclusion est accablante : sur les produits testés, après de nombreuses années de certification, les protections censées garantir l’intégrité ont pu être contournées, sans laisser de trace exploitable pour l’administration fiscale, en moins de deux heures… parfois même en quelques dizaines de minutes.

Par souci de responsabilité, nous ne dévoilerons pour l’instant que les conclusions générales de cette étude.
Mais si rien ne change d’ici le 1ᵉʳ janvier 2026, nous rendrons publics l’ensemble de leurs travaux,, afin que chacun puisse constater que cette norme NF525 est loin d’être un rempart infaillible. À nos yeux, la NF525 tient d’un « écran de fumée technique » : elle n’offre pas de garantie absolue et contribue de facto à un marché captif, au bénéfice d’acteurs déjà installés.


Si vous disposez d’informations complémentaires, vous pouvez nous écrire : [contact@collectif-tpe.fr]

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Droit de réponse — Cet article évoque INFOCERT, ACEDISE, Euros/Agency Group et des élus. Nous publions volontiers toute réponse écrite et sourcée de leur part. Contact : [contact@collectif-tpe.fr] • Nous nous engageons à la publier dans les délais légaux applicables.

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Repères de sources

[1] ACEDISE : « Qui sommes nous / Bureau exécutif & membres », acedise.fr, URL : https://www.acedise.fr/qui-sommes-nous/ , consulté le 15/06/2025.

[2] ACEDISE : « Modification de la loi concernant tous les systèmes d’encaissement définitivement adoptée en France (Métropolitaine & Outre-Mer) », billet du 28/02/2025, acedise.fr, URL : https://www.acedise.fr/2025/02/28/modification-de-la-loi-concernant-tous-les-systemes-dencaissement-definitivement-adoptee-en-france-metropolitaine-outre-mer/ , consulté le 01/09/2025.

[3] European DIGITAL SME Alliance : « DIGITAL SME FRANCE – WHO WE ARE » (mentionne Christian Coquidé comme président d’ACEDISE et membre du comité NF525 avec AFNOR Certification), URL : https://www.digitalsme.eu/digital-sme-france-qui-sommes-nous/ , consulté le 01/09/2025. European DIGITAL SME Alliance

[4] Var-Matin : « Fraude varoise aux caisses enregistreuses : relaxes partielles pour tous les prévenus », 26/03/2021 (compte-rendu du jugement du 25/03/2021) , URL : https://www.varmatin.com/justice/fraude-varoise-aux-caisses-enregistreuses-relaxes-partielles-pour-tous-les-prevenus-662166 , (payant), consulté le 01/09/2025. Var-Matin

[5] Le Parisien : « Arnaque juteuse grâce aux caisses miraculeuses », 06/10/2012 (mentionne le gérant d’OMC Gervais « mis en examen et écroué ») , URL : https://www.leparisien.fr/archives/arnaque-juteuse-grace-aux-caisses-miraculeuses-06-10-2012-2208697.php , (archives/payant), consulté le 01/09/2025.

[6] AFNOR Certification / INFOCERT , Attestation(s) de certification NF525 , CashMag :
• « CASHMAG BEAUTÉ » (PDF) , URL : https://www.acedise.fr/wp-content/uploads/2024/01/certificat-cashmag-beaute-5250518-1.pdf , consulté le 01/09/2025 ;
• « Certificats CashMag » (PDF récapitulatif) , URL : https://www.acedise.fr/wp-content/uploads/2024/06/certificats-cash-mag.pdf , consulté le 01/09/2025.

[EU-DE] Ministère fédéral des Finances (KassenSichV) + texte consolidé ; BSI TR-03153 (TSE). Bundesministerium der Finanzengesetze-im-internet.debsi.bund.de
[EU-BE] SPF Finances — système de caisse enregistreuse (FDM/VSC) ; note d’info sectorielle. swissbit.comela.europa.eu
[EU-IT] Agenzia delle Entrate — “Memorizzazione elettronica e trasmissione telematica dei corrispettivi” (registratori telematici). fiscal-requirements.com
[EU-ES] Agencia Tributaria / BOE — Real Decreto 1007/2023 (SIF, Veri*Factu). Striped-trust.net